Mais comment s’y retrouver entre Alocasia, Colocasia et toutes ces oreilles d’éléphant ? Il y a une grande confusion sur le net à propos des oreilles d’éléphant. De Wikipédia à différents blogs ou sites de vente en ligne, jusqu’à certaines bases scientifiques, c’est une pagaille sans nom qui règne. Car derrière ce nom commun se cachent réalité plusieurs plantes différentes. Même si elles se ressemblent, leurs exigences, leur culture et leur résistance au froid ne sont pas les mêmes ! Et on peut faire la différence, en regardant là où il faut.
Les Alocasia, les vraies oreilles d’éléphant
Les vraies oreilles d’éléphant sont les Alocasia. Les plus grandes variétés peuvent former des feuilles de 1,50 m, mais sous les régions tropicales (genre Hawaï ou Thaïlande). Alocasia macrorrhizos en particulier se décline en variétés à très grandes feuilles, en climat strictement non gélif. C’est le plus facile à reconnaître, car il forme un tronc. C’est une plante d’intérieur, sauf en climat très doux. Sa résistance au froid (sa rusticité) est de -5 °C environ, son feuillage grille dès la première gelée. L’oreille d’éléphant main de Bouddha (Alocasia cucullata) est une forme miniature, et qui forme aussi un tronc. Même sensibilité au froid.
Chez nous, les alocasias plus rustiques comme Alocasia odora repartent de souche chaque année. Enfin, avec une bonne protection. Les Alocasia de façon générale forment un tronc plutôt qu’un bulbe. Les Alocasia se repèrent surtout à leurs feuilles : elles sont épaisses, avec des nervures saillantes, la base est élargie et fait tout le tour du tronc. Les alocasias fleurissent facilement, produisant une fleur d’arum de couleur crème.
Pour les spécialistes : Alocasia macrorrhizos et les autresIl y a une confusion entre les différentes espèces d’Alocasia et personne n’y échappe, nous y compris. Voici quelques points de repères : Alocasia macrorrhizos : il se distingue par la la base de la feuille, là où le pétiole se raccorde au limbe. Cette base forme un « V » entièrement dégagé (on parle sinus libre), les lobes de la base de la feuille sont séparés par une échancrure qui va jusqu’au pétiole. Alocasia odora : la base du limbe forme une petite cuvette (elle est dite peltée), un peu comme si les deux lobes de la base fusionnaient. Alocasia brisbanensis : on soupçonne que les Alocasia odora cultivés en Europe soient en réalité des Alocasia brisbanensis (alocasia australien). En réalité, Alocasia brisbanensis est une simple forme d’Alocasia macrorrhizos. |
Colocasia, les taros : des feuilles oreilles d’éléphant
Les taros sont les Colocasia, et ne devraient pas être appelés oreilles d’éléphant car cela prête à confusion.
Les taros forment un tubercule (un corme, pour les botanistes). Ils sont comestibles. Les taros ne forment pas de tronc. Ces plantes se propagent surtout par stolons mais aussi par rejets. Les stolons sont ces tiges rampant sur le sol et qui peuvent atteindre 2 à 3 m dans l’année. La plante diffère selon son usage :
– les variétés décoratives de taros forment des feuilles plutôt petites mais colorées de pourpre, de rose, de bleu, de bronze, etc. Le tubercule est petit.Elles forment une touffe en général compacte.
– les variétés utilitaires de taros, elles, ont de grosses feuilles. Elles forment des souches moins nombreuses que les taros décoratifs et un gros tubercule (atteignant parfois 2 kg sous les tropiques). Elles forment de longs stolons ou pas, selon les variétés.
Par rapport aux oreilles d’éléphant, les Colocasia forment des feuilles plutôt mates (mais il existe quelques variétés brillantes). La colocase la plus commune, Colocasia esculenta, a une feuille hydrophobe : les gouttes d’eau ne mouillent pasl a feuille et roulent comme une goutte de mercure (à la façon des feuilles de lotus).
Chez les colocases, les nervures ne sont pas très saillantes (voire pas saillantes du tout) par rapport aux alocasias. Les feuilles sont portées à l’horizontale ou presque, mais ce caractère varie beaucoup et il ne faut pas s’y fier. La floraison est rare, surtout chez les variétés à feuilles très colorées et même inexistante chez certaines formes comestibles (à gros tubercule).
Les macabos (Xanthosoma), les autres oreilles d’éléphant
Les macabo sont les Xanthosoma. Ils sont moins souvent cultivés que les deux précédents sous nos climats. On donne souvent leur nom aux Alocasia et au Colocasia, par confusion. Les xanthosomas aussi forment un tubercule, comme les Colocasia, mais plus rond. La différence se trouve aussi au niveau des feuilles. Ils ne forment jamais de stolons et se multiplient uniquement par rejet.
Les feuilles des Xanthosoma sont plus pointues que celles des colocases. Les lobes de la base des feuilles et l’extrémité de la feuilles (l’apex, pour les botanistes) sont souvent pointus alors que chez les colocases, ils sont arrondis. La feuille de Xanthosoma ne fait pas rouler l’eau comme la feuille de Colocasia esculebnta (voir ci-dessus).
Les feuilles des Xanthosoma sont souvent aussi grosses que celles des Colocasia, voire plus (quand ils ont assez de nourriture et d’eau). Les nervures sont bien marquée, surtout celle du centre. Attention donc à ne pas se fier à la taille de la feuille et ses nervures. Les formes cultivées de colocasias peuvent avoir une nervure marquée et une grosse feuille si bien qu’on peut confondre les deux si on ne se fie qu’à ce caractère. Du point de vue de la façon de les cultiver, ce n’est d’ailleurs pas un problème puisque les deux se gardent de la même façon.
En réalité, comme toujours chez les plantes, c’est la fleur qui fait la différence :
- les colocasias (les taros) forment une spathe étroite, à capuchon jaune ;
- les Xanthosoma (les macabos) forment une spathe plus large, pourpre.
On cultive essentiellement des formes utilitaires de Xanthosoma, à grosses feuilles et gros bulbes, mais il existe quelques formes à feuilles panachées ou pourpres. Les xanthosomas sont très frileux et ne peuvent passer l’hiver dehors, même avec un paillis, contrairement aux colocasias.
Alors, Colocasia, Alocasia et Xanthosoma, comment s’y retrouver ?
Faire la différence entre Colocasia et Alocasia : tout tient dans la tige. Si la plante forme un tronc, alors c’est un Alocasia (sans doute Alocasia macrorrhizos, le plus commun). Si l’oreille d’éléphant ne forme pas de tronc, c’est un taro (Colocasia) ou un Xanthosoma (voir ci-dessus pour faire la différence).
L’échancrure de la feuille, c’est-à-dire la façon dont la feuille se découpe, n’est pas un critère valable pour faire la différence entre les différentes oreilles d’éléphant. La couleur de la feuille non plus, car les formes cultivées peuvent se ressembler. Il n’y a qu’en fleur qu’on peut vraiment être sûr : c’est comme cela que procèdent les botanistes !
La floraison, en fleur d’arum (spathe et spadice), est plus ou moins courante. Les formes utilitaires (comestibles) ont un comportement souvent très différent des formes décoratives (à feuilles panachées, pourpres, etc.). L’oreille d’éléphant (Alocasia macrorrizos, souvent orthographié Alocasia macrorrhiza) et le taro (Colocasia esculenta) représentent près de 95 % des plantes cultivées sous le nom d’oreille d’éléphant. Donc si vous vous prenez la tête, c’est souvent pour les 5 %…
Et comme si cela ne suffisait pas…
il existe d’autres aracées formant des cormes, avec des feuillages étonnants, comme les caladiums. Mais ceux-là exigent des conditions vraiment tropicales; dommage !